Yom Kippour est le jour le plus saint et le plus solennel du calendrier juif. Ce jour exclusivement réservé à la prière et à la pénitence doit permettre à l’homme de se débarrasser de ses péchés et de se régénérer. Yom Kippour (jour du pardon) est fixé au 10 Tishri, à l’expiration des Yamim Noraïm, les 10 jours de pénitence qui ont commencé à Rosh Hashanah :

« Mais au dixième jour de ce septième mois, qui est le jour des Expiations, il y aura pour vous convocation sainte» Lévitique : 23,27.

L‘importance accordée à Yom Kippour provient des commandements de mortification et de propitiation :

« Et ceci sera pour vous une loi perpétuelle: au septième mois, le dixième jour du mois, vous mortifierez vos personnes et ne ferez aucun ouvrage, soit l'indigène, soit l'étranger séjournant parmi vous.» Lévitique : 16,29-31.

De tous les jours de jeûne juifs, c’est le seul qui n’est jamais remis, même s’il tombe pendant shabbath.

Les offices de Yom Kippour

Cinq offices marquent Kippour :

-   Kol Nidré, l’office du soir, immédiatement après le début du jeune

-   Shaharith, l’office du matin suivi de Moussaf, l’office supplémentaire des fêtes

-   Minhah, l’office de l’après-midi

-   L’office du souvenir

-   Neïla, l’office de conclusion

Yom Kippour porte d’autres noms

Dans la Torah, on trouve :

-   Yom ha-Kippourim : le jour des destins

-   Shabbat shabbaton : le shabbat des shabbat

-   Yom ha-Din : jour du jugement

Quelques réponse...

Pourquoi jeûne-t-on à Kippour ?

« …le dixième jour du mois, vous mortifierez vos personnes… » Pour la Michnah, la mortification à laquelle il est fait référence plusieurs fois dans le Lévitique, consiste essentiellement à se priver de toute alimentation et de toute boisson, même en toute petite quantité.

Le jeûne de Yom Kippour est le plus long – 25 heures – et le seul qui peut tomber même pendant shabbath !

Tout homme de plus de 13 ans et toute femme de plus de 12 ans sont tenus de jeûner, mais les malades peuvent prendre leurs médicaments avec un peu de boisson, voire de nourriture. Toutefois le jeûne peut être interdit à certaines personnes, car le principe de vie prévaut toujours !

Et la propitiation ?

 « Car en ce jour, on fera propitiation sur vous afin de vous purifier; vous serez purs de tous vos péchés devant l'Éternel » (Lévitique 16,30).

Pour les sages, la propitiation impliquait trois actes permettant au fidèle de se soulager de ses péchés : d’abord reconnaître ses transgressions, puis déclarer son repentir dans un processus de confession, puis enfin faire expiation devant Dieu afin d’obtenir son pardon.

Tous les péchés se valent-ils ?

Traditionnellement les péchés sont classés en trois grandes catégories :

-       le HET - cité plus de six cent fois dans la Bible - est formé sur une racine signifiant "manquer la cible, passer à côté de". Het désigne la forme la moins grave du péché : la faute par inadvertance ou par négligence, la transgression involontaire d'une loi rituelle ou sociale. Une liste de ce type de péchés - dureté de cœur, paroles inconsidérées… - est confessée dans la prière du Al Het, tout au long de la journée de Kippour.

-       le AVON, généralement traduit par iniquité concerne un acte délibéré : il est beaucoup plus grave que le het, dû à l’inadvertance ! Cette forme de péché désigne essentiellement une faute commise envers son prochain, une infraction aux lois éthico-sociales. Avon implique souvent l'idée d’injustice, de perversion.

-       le PECH, traduit le plus souvent par transgression, est considéré comme la forme de péché la plus réprouvée. Même si le pech ne fait jamais explicitement référence à une transgression de la loi rituelle, il est considéré comme un acte délibéré de rébellion contre Dieu.

Dans la littérature rabbinique, les trois péchés les plus importants sont : l’idolâtrie, le meurtre et l’inceste.

Le repentir sincère conduit à la réparation de la faute et permet de rétablir la relation avec Dieu et de restaurer l’être humain dans la plénitude de son être.

Pourquoi porter le talith dès l’office de Kol Nidré  ?

Yom Kippour est le seul office vespéral pendant lequel les fidèles se revêtent du talith.

Cette tradition trouve plusieurs explications :

-       Yom Kippour étant intégralement consacré à la prière, les fidèles revêtent le talith avant l’office de Kol Nidré et ne le retirent plus jusqu’à la fin de la Neila : il ne faut pas oublier que beaucoup de fidèles passaient la nuit entière à la synagogue.

-       Le port du talith dès le soir permet d’honorer la présence divine particulièrement présente ce jour-là.

-       Le talith blanc évoque la figure du grand-prêtre qui accomplissait son service vêtu de blanc.

-       Le talith inspire des réflexions sérieuses et permet une concentration plus grande.

Pourquoi ne pas porter de chaussures en cuir ?

A Yom Kippour, les fidèles remplacent leurs chaussures en cuir par des chaussures d’étoffe et de caoutchouc.

Si la raison est encore une mesure de mortification, il s’agit également d’abolir une séparation matérielle importante entre l’élan religieux et le sol devenu sacré, comme le fit Moïse devant le buisson ardent.

Quelques réflexions autour de Kippour

Jacques Attali

Là encore l’image de mon père me revient : il passait cette journée à la synagogue, dix jours après le début de l’année… Il y allait à pied, la veille à la tombée de la nuit ; il en revenait vers vingt-deux heures, puis le lendemain y retournait – toujours à pied, bien évidemment – dès l’aube, sans manger ni boire, à chanter les prières qu’il connaissait par cœur, comme la totalité de la Bible et une partie du Talmud. Jusqu’à la fin de sa vie, cette journée lui conféra une énergie exceptionnelle : au terme de vingt-cinq heures de jeûne et de prières, il était bien plus reposé, qu’en commençant.

(…..)

Rien ne permet mieux d’atteindre à la sérénité qu’une journée passée ainsi avec des millions d’autres à travers le monde, à penser à une meilleure façon d’être soi au service des autres ; à se juger, non pour se détester ou se complaire, mais pour poursuivre un dialogue exigeant avec Celui que certains nomment Dieu, et d’autres conscience ; dans la joie d’être encore là, et d’avoir été, peut-être, pardonné.

Jacques Attali, in Dictionnaire amoureux du judaïsme, Plon/Fayard

Maïmonide

Le libre arbitre est accordé à chaque homme. S’il désire pencher dans la bonne direction et être vertueux, il a le pouvoir de le faire. Et s’il désire pencher du côté de la perversité et être un mauvais homme, il en a également la liberté. Ne vous laissez pas aller à croire ce que beaucoup d’ignorants affirment, à savoir que le Saint-Béni-Soit-Il décide qu’un homme, dès sa naissance, sera vertueux ou mauvais.

Etant donné que le pouvoir de faire le bien ou le mal est entre nos mains et que les mauvaises actions que nous avons commises l’ont été en pleine connaissance de cause, c’est à nous qu’il appartient de faire pénitence et de renoncer à nos mauvaises actions.

La repentance et le jour des expiations ne procurent de pardon que pour les péchés que l’on a commis contre la Divinité (…).

Mais pour les transgressions que l’on a commises contre le prochain, en lui infligeant un dommage physique, par exemple en le maudissant, en le dépouillant ou en lui faisant supporter quelque autre préjudice, on n’en obtient le pardon que si on lui accorde la réparation qui lui est due et qu’on lui présente des excuses.

 

Schmelke de Nikolsbourg

…. Et pour finir, il conclut en ces termes : « Sachez-le, mes frères, les pleurs versés en ce saint jour ne sont point pour notre bénédiction si la tristesse les habite, car la shékhinah ne se plait point dans la tristesse et l’accablement, mais seulement dans la joie du Commandement accompli. Voyez ! il ne saurait exister joie plus grande que celle de ce jour-ci, où il nous est donné de surmonter nos cœurs, par la vertu du retour vers Dieu, de nous débarrasser de tous les liens du péché de nos cœurs et de nous approcher plus près de notre Père dans les cieux, dont la main est ouverte à ceux qui retournent. Ces larmes d’aujourd’hui, qu’elles ne soient que des pleurs de joie, ainsi qu’il est écrit : « Servez le Seigneur avec crainte et réjouissez-vous avec tremblement. »

Un sermon sur la pénitence, in Les récits hassidiques, Martin Buber, Editions du rocher

 

Léo Baeck

L’humanité a la capacité de se renouveler perpétuellement, de renaître continuellement, de briser les obstacles, de se tourner sans cesse vers le repentir et la réconciliation. Historiquement, le bien demeure le devoir de l’humanité malgré tous ses détours et ses erreurs. Comme le dit un vieil adage : « Un péché peut anéantir un commandement, mais il ne peut anéantir la Torah », la lumière demeure, et dans son rayonnement, l’humanité trouve son avenir. Comme le dit une autre maxime du Talmud, le « jour du repentir est un jour qui ne finit jamais ». Quand l’Histoire atteint le jour du retour sur soi, c’est le début d’une nouvelle ère.