Qui rend la justice ?

Le billet d'humeur du Rabbin Gabriel Farhi
du dimanche 29 janvier sur Judaïque FM.

Qui rend la justice ?

Il n’est pas un jour sans que la presse se fasse l’écho de révélations qui mettent à rude épreuve nos émotions. Trump et ses frasques à la Maison Blanche, un migrant noir qui se noie à Venise sous les yeux amusés des touristes et puis François Fillon désigné largement à la suite des Primaires et sous ses pieds un tapis rouge jusque vers les marches de l’Elysée jusqu’à ce que l’on apprenne que son épouse si discrète l’était réellement finalement à tel point qu’elle percevait des sommes indues pour des missions non-effectuées. Je dis cela et dans le même temps je me rends compte que je participe à un dénigrement hâtif sans connaître tous les éléments de ce dossier si ce ne sont des coupures de presse et ce qui s’en dit sur les réseaux sociaux.
 

Et c’est bien là le problème. Voilà un homme, François Fillon, qu’on louait encore il y a quelques jours pour son intégrité, sa droiture et ses hautes valeurs morales qui se trouve à présent au même rang que d’autres personnalités politiques corrompues ou malhonnêtes. On a peine à imaginer qu’il pourra se maintenir comme candidat de la Droite. D’une façon excessivement rare, la justice s’est saisie du dossier en ouvrant une enquête et auditionnant deux personnes moins de 48h après les révélations du Canard Enchainé. Mais l’opinion populaire, la vox populi, s’est déjà manifestée. Si l’affaire devait être classée sans suite cela viendrait justifier l’idée erronée d’une justice à deux vitesses selon que l’on soit puissant ou pas, et si l’affaire devait être instruite ce serait forcément un acharnement judiciaire sur fond de pressions politiques. Dans tous les cas, voilà la carrière d’un homme très probablement brisée et une atteinte durable à son honneur. Encore une fois, je ne connais rien du dossier et peu de l’homme en dehors de quelques rencontres très institutionnelles. L’héritier naturel de Philippe Seguin, personnalité admirable d’intégrité et l’homme qui en appelle régulièrement à De Gaulle est déjà jugé avant même de n’avoir pu s’expliquer en dehors d’un plateau de télévision qui n’est en rien l’antichambre de la justice. Ce sont là les travers et les dérives de l’instantanéité à l’heure de Twitter et de Facebook. Il n’y a plus de mise à distance. Un suspect est forcément un coupable !

Le risque majeur, qui se vérifie souvent, étant que la vindicte populaire influe sur le cours de la justice. Comment un Procureur, puis un Juge, peuvent raisonnablement instruire à charge et à décharge sans prendre en considération l’opinion toute faite de la population ? La justice est rendue au nom du Peuple français. Pour autant on ne peut faire l’économie d’une justice équitable qui sait être sourde aux bruissements et aux rumeurs pour apprécier une affaire dans sa vérité et forcément dans sa complexité. Nous le savons, le temps judiciaire et le temps médiatique sont deux choses distinctes et qui ne connaissent aucune synchronisation. Lorsque le temps médiatique impose son rythme et ses conclusions à la justice, il lui fait perdre sa force. C’est bien ce qui semble se passer actuellement.